La Russie et l’intervention en Crimée

La Russie et l’intervention en Crimée
La République autonome de Crimée est rattachée en 2014 à la Fédération de Russie.

Comment fut appréhendé l’événement selon la lecture du droit international ? Qui détient le pouvoir effectif en Russie ? Comment se décline-t-il au niveau institutionnel ? Quel fut le terreau patriotique et symbolique russe justifiant l’annexion de la Crimée ? Quel est l’enjeu stratégique de la péninsule ? Comment la Russie, par l’intermédiaire du Service Fédéral de Sécurité, opère-elle dans le cadre de ses intervention étrangères?

1. Une dialectique intime entre le nouveau nationalisme russe et la stratégie militaire 

Patrie des slaves, foyer de l’orthodoxie et éprouvette du communisme politique, la vaste Russie a nourri l’imagination et la fibre artistique des producteurs de culture, tant elle a pu effrayer et séduire par sa grandeur. Glorieuse porte orientale de l’Occident, la patrie de Tolstoï a puisé son identité des étendues glacées vides d’âmes de la toundra sibérienne, kazakhe et de l’Oural, baignées par les eaux sombres du Ienisseï et de la Volga. La Taïga est devenue l’âme de cette Russie isolée et mystérieuse. Autrefois mondialement rayonnante, la Russie tente aujourd’hui de renouer avec son passé de superpuissance.

La fin de la Guerre Froide, précipitée par la dissolution – signée lors des Accords de Minsk le 8 décembre 1991 – de la République socialiste fédérative soviétique de Russie, fut un des actes fondateurs de la nouvelle configuration des rapports inter-étatiques sur le plan international. La disparition de l’URSS signait la fin de l’ancien système international datant de 1945, basé sur le principe de bipolarité et garant d’un certain équilibre des forces, limitant ainsi l’émergence de guerres entre superpuissances. Hormis des conflits périphériques visant à contraindre les Etats tiers à l’alignement – économique ou stratégique – envers l’un des deux blocs – Crise de Suez, Guerre du Vietnam et d’Afghanistan – et excepté des tentatives isolées de déséquilibrer le système international à son profit – Crise des missiles de Cuba, dilemme de sécurité nucléaire – aucun conflit majeur entre OTAN et le Pacte de Varsovie ne fut à déplorer.

Le fonctionnement bipolaire des rapports inter-étatiques fut notamment théorisé par le néoréaliste Kenneth Waltz, pour qui un tel système facilitait l’équilibre entre puissances, diminuant par conséquent l’incertitude dans laquelle baignent les Etats et leurs politiques étrangères. Les Etats souverains sont à la poursuite de leur sécurité interne et externe ; en bref, la sauvegarde de leur souveraineté (Waltz, Kenneth, « Theory of International Politics »).

Outre les interventions militaires directes comme à Cuba, en Ethiopie ou en Afghanistan, les conseillers soviétiques monnayaient aux Etats du tiers-monde leur allégeance, en échange d’aide au développement et d’exportations militaires (Deney, Nicole, « Les États-Unis et le financement du barrage d’Assouan »). L’Egypte nassérienne et la Syrie fourniront notamment des bases navales méditerranéennes à la marine russe – la base syrienne de Lattaquié est toujours en service – en échange d’une livraison conséquente d’armements (Sablier, Edouard, « La tension en Proche-Orient et la Politique des grandes puissances »).

Les acquis territoriaux soviétiques ont été immenses, constitués de 15 républiques socialistes dans l’est de l’Europe et dans le Caucase. Sous Boris Eltsine en 1991, le brasier indépendantiste au sein des républiques met fin à l’Union soviétique. La Russie, malgré sa volonté de restaurer sa sphère d’influence – notamment par la constitution d’une organisation de coopération non contraignante entre les anciennes républiques socialistes, la CEI (Communauté des Etats Indépendants) – a souffert de son entrée dans le monde néolibéral, régi désormais par l’économie de marché et l’hégémonie étatsunienne. La privatisation du capital et de la propriété, ainsi que les divers plans de relance économique consécutifs aux périodes de récession et de crises économiques – crise du Rouble de 1998 –  s’ajoutaient à la crise identitaire – destruction du référentiel identitaire dominant de la société russe – et sociale – le Service fédéral de l’emploi enregistre 716’ 672 chômeurs – liée à la chute du communisme en tant que référentiel idéologique et mode de production.

Depuis la fin de la Guerre Froide, l’entier des anciennes républiques socialistes, et même la Russie en 1996, ont rejoint l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe OSCE, marquant un rapprochement entre les deux anciens blocs. Toutefois, cette hausse de la coopération européenne en faveur de la sécurité fut entérinée par diverses actions militaires russes, dont la plus spectaculaire fut aussi la plus litigieuse : la Crimée en 2014.

Mars 2014 : la péninsule de Crimée, province autonome de l’Ukraine, vote par l’intermédiaire de son corps électoral et de son parlement – 96,77% de oui – son rattachement à la Fédération de Russie. Le parlement russe, la Douma, ratifie successivement la décision. L’événement secoue le cosmos diplomatique, engendrant de multiples sanctions économiques à l’égard de la Russie par des Etats opposants, qui qualifièrent l’acte d’«annexion », rhétorique au service de la délégitimation de cette reconfiguration du territoire de Crimée.

L’Ukraine, pays souverain lésé par l’annexion, fait appel par le biais de son gouvernement pro-européen, au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Elle invoque la violation de son territoire souverain. Des manifestations, soutenues par des forces pro-russes armées par Moscou, sont en effet intervenues sur tous les points clés de la péninsule de Crimée, ainsi que sur les principales villes d’Ukraine (Donetsk, Odessa, Kharkiv). Ces forces s’opposent encore maintenant au mouvement – et au gouvernement national ukrainien – pro-européen issu des événements du Maïdan, qui avaient destitués le président prorusse Ianoukovitch en 2014.

L’intervention de Crimée fut souvent, et à tort, analysée comme une action irrationnelle imputable au mégalomane Vladimir Poutine. Prenons pied face à cette vision simpliste en problématisant l’intervention, comme étant une action découlant d’enjeux et de processus décisionnels complexes, que nous allons historiciser. En guise de prélude, nous allons brièvement cadrer le litige au sein des rapports de force onusiens, indicateurs d’une relative paralysie du Conseil de Sécurité qui l’empêche de garantir ses missions de paix. En second-chef, cette étude historicisera la rôle de la Crimée au sein des politiques étrangères d’une Russie se rêvant en superpuissance: la détention d’une base navale permanente en Mer Noire étant un intérêt vital pour la flotte russe. L’enjeu sera essentiellement de décortiquer les processus décisionnels potentiels ayant abouti à une intervention en Crimée, en prenant en compte la politique patriotique menée par le gouvernement Poutine. Sera développé ensuite une étude comparative sur les diverses interventions russes ayant été conduites sur sol étranger, précédentes à celle en Crimée. Leurs similarités – malgré leur éloignement temporel – nous révèlent qu’une méthodologie stratégique a été élaboré par le FSB – le Service Fédéral de Sécurité – l’équivalent de la CIA américaine. Cette analyse, menée par le service d’intelligence géopolitique américain Stratfor, réfute la thèse de l’annexion  comme étant un acte irrationnel.

Le dessein de l’article est la compréhension de la politique étrangère russe actuelle, réinsérée dans une conception des structures inter-étatiques en mouvance et en redéfinition. Le renouveau militaire russe marque t’il la fin de l’unipolarité sous l’égide de l’hégémon américain ? Des tenants de l’école réaliste en relations internationales soutiennent en effet que l’ère du pouvoir mondial américain touche à sa fin, conséquence du rééquilibrage –balancing selon Waltz – des rapports de pouvoir sur la scène internationale: « Some see China as the new enemy ; other envisage a Russia-India-China coalition as the threat. Still others see a uniting Europe becoming a nation-state that will challenge us for primacy » (Nye, Joseph, « The paradox of American Power »).

1.1.  La Crise de Crimée, un enjeu régional a portée internationale

“La Russie, compte tenu de la volonté des peuples de Crimée exprimée lors du référendum du 16 mars, a décidé de reconnaître la République de Crimée comme État souverain et indépendant.” Vladimir Poutine, le 18 mars au Kremlin (Le Monde, « L’intégration de la Crimée à la Russie est en marche », 2014)

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Affiche prorusse à Sébastopol (2014), “Le 16 mars, nous choisissons : les Nazis ou la Russie”

La Crimée, vaste péninsule baignée par la Mer Noire, fut conquise par l’impératrice Romanov Catherine II en 1774, à la suite de sa victoire sur les forces ottomanes. La péninsule deviendra progressivement un centre commercial militaire important tout au long de son histoire,  peuplée par des colons russes issus de l’empire, suite à la déportation massive de l’ethnie autochtone majoritaire, les Tatars.

En 1954, le secrétaire du Parti communiste soviétique, Nikita Khrouchtchev, offrait symboliquement la péninsule – peuplée essentiellement de Russes – à la République socialiste d’Ukraine, afin de  commémorer le tricentenaire de l’allégeance des cosaques ukrainiens aux Tsars russes. Le transfert du pouvoir administratif ne changeait pas la structure externe de l’Union soviétique – ses frontières nationales – mais avait pour seul dessein la commémoration du 300ème anniversaire du rapprochement politique entre la Russie et l’Ukraine. Avec la dissolution de l’URSS et l’indépendance de l’Ukraine, la Crimée, peuplée majoritairement de russophones et abritant une base navale importante de l’armée rouge, se trouvait désormais sur sol étranger. L’Ukraine arriva tant bien que mal à y maintenir sa souveraineté jusqu’en 2014 ; la Crimée sera dotée du statut de république autonome et la Russie se verra octroyer le droit de location du port de Sébastopol jusqu’en 2042.

La nostalgie pour la « mère-patrie » russe –  malgré le retour des électeurs Tatars musulmans déportés – se manifesta violemment lors du référendum de 2014. Un vent de nationalisme russe souffla sur la société civile, incarné par la victoire écrasante – 97% en faveur du rattachement à la Fédération de Russie – du suffrage.

L’OSCE et les pays de l’OTAN qualifièrent le rattachement d’annexion, statut généralement utilisé pour une action territoriale illicite. Aux yeux du droit international, la violation d’un territoire national – ici ukrainien – est contraire au Principe de Souveraineté étatique.

Article 2, par. 4 : « Les membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies » (Charte Des Nations Unies, signée le 26 juin 1945 à San Francisco).

Aux yeux des Russes, le terme d’annexion est peu adéquat, car il infirme l’unilatéralité de l’action. Dans ce cas-ci, Russie et Crimée – parlement autonome et peuple – ont exprimé et matérialisé la volonté de s’unir.

En revanche, l’Ukraine a été de facto exclue de la table des négociations quant au rattachement. Les USA – dont on peut supposer que les stratèges néoréalistes influents craignent une expansion militaire russe – amorcent par le biais du Congrès une série de sanctions économiques, à partir de mars, à l’encontre de la Russie. Néanmoins, les Etats européens – qui s’accordent sur le principe d’une sanction à caractère symbolique – s’opposent vivement aux sanctions  économiques, synonymes d’un prévisible ralentissement conjoncturel – les marchés russes et européens étant sensiblement interconnectés – du système économique européen (Stratfor, « The U.S. Levies Sanctions on Russian and Ukrainian Officials »). Bilan des sanctions, la Russie voit sa monnaie – le Rouble – se dévaluer dangereusement, entraînant avec elle la viabilité du système économique russe et – par extension et probablement – l’européenne dans le futur. Au poids des sanctions s’ajoute la baisse du prix du pétrole, secteur d’exportation majeur du pays. L’inflation et le chômage ont explosé, et font courir aujourd’hui le risque d’une crise sociale importante.

L’Ukraine a saisi l’Assemblée Générale de l’ONU, qui a validé à une grande majorité – 100 Etats favorables, 11 opposés, 58 abstentions – une résolution déclarant l’invalidité du référendum organisé en Crimée (Nations Unies: AG/11493). Ceci constitua un revers diplomatique cinglant pour la Russie:  celle-ci avait  apposé son droit de veto à une résolution du Conseil de Sécurité onusien invalidant également le référendum. De vives critiques furent exprimées à l’encontre de la résolution : nombre de représentants diplomatiques soulignèrent son incohérence, car prônant l’invalidation d’un acte  politique démocratique.Le Venezuela, faisant honneur à sa ligne politique bolivarienne, s’aligna contre la position occidentale. Sud-américain également, le représentant argentin à l’ONU a notamment rappelé que son pays avait dû se plier face au référendumdes habitants des Iles Malouines – un écrasant Oui (97%) pour le maintien au sein du Royaume-Uni avait été exprimé –  archipel revendiqué par l’Argentine.

La crise de Crimée – dès lors qu’elle fut emparée par les hautes instances internationales – a transité vers une question de définition. Les positions pro-russes invoquèrent l’aspect démocratique du rattachement, légitimé par le Principe du droit à l’autodétermination. Les pays occidentaux, rangés du côté de leur allié ukrainien, accusèrent quant à eux la Russie pour sa violation ldes frontières d’un Etat souveraineté d’avoir truqué les votations.

Symbole de la complexité de la confrontation, plusieurs principes internationaux se confrontent dans la rhétorique du droit international. Considérons cependant que les deux principes  confrontés – l’autodétermination des peuples et la souveraineté nationale – ne se situent pas sur un seuil d’égalité au sein de  la hiérarchie juridique internationale. Le premier Principe résulte de la Jus Cogens – le droit international impératif – dont le contenu sert de manière implicite la conservation des frontières déjà établies. Ce puissant outil contribue au maintien – souveraineté interne et externe – des Etats l’ayant élaboré. Le principe d’autodétermination des peuples, constituant quant à lui un droit fondamental mais non impératif, est juridiquement plus faible (Nations Unies : Charte). Ce dernier peut de surcroît être bloqué facilement par la mobilisation d’autres principes, comme la Résolution 1514 (XV) adoptée en 1960, l’Uti possidetis, qui garanti le principe d’intégrité territoriale et d’intangibilité des frontières nationales.

Toutefois, la Crise de Crimée a démontré l’incapacité de l’ONU à assurer en tout temps et tout lieux la paix. L’usage du droit de veto lors des séances du Conseil de Sécurité démontre les divergences qui traversent  les conceptions du droit international, devenu un instrument de défense des intérêts nationaux, au détriment de la paix globale.

Le maintien de la paix et de la sécurité internationale est devenu un enjeu aujourd’hui compromis dans sa viabilité. Bruce Joones apporte une précieuse explication quant aux limites de l’instrument onusien : « Lorsque les Etats-Unis ne savent pas où ils vont, se mettent en retrait, le multilatéralisme ne fonctionne pas. Et lorsqu’ils ne donnent pas de cadre d’action au Conseil de Sécurité, celui-ci n’arrive pas à travailler de manière efficace » (Deroeux, Iris, « Déprime à l’ONU »). L’unilatéralité internationale toucherait-elle à sa fin ? La Crimée peut-elle être interprétée comme le retour sur la scène mondial de nouvelles puissances et d’une structure internationale multipolaire ?

1.2.  Qui décide en Russie?

Alexeï Malachenko, politiste russe, définit la politique extérieure russe comme uniquement imputable au président : « Aujourd’hui nous savons qui prend les décisions et de quelle façon : même si le Sénat dû avaliser l’envoi de troupes à l’étranger par un vote unanime, le 30 septembre, M. Poutine décide de tout lui-même, en fonction de sa propre appréciation de la situation. Parfois, ses décisions paraissent chargées d’une forte dimension émotionnelle, sans analyse suffisante de leurs conséquences éventuelles » (Malachenko, Alexeï, « Le pari syrien de Moscou »). Quels facteurs idéologiques et culturels ont pu entraîner Vladimir Poutine à annexer la Crimée ? Ce travail ambitionne de rétablir en perspectives les différents facteurs – dont le degré de rationalité est relatif – pouvant rendre l’intervention russe intelligible. Notre étude se décentre d’une perspective rationnelle, ne considérant pas l’événement comme uniquement issu d’une décision purement réfléchie et délibérée, par une Russie qui n’est ni un acteur unitaire ni intentionnel.

Par le biais de focales complémentaires – une perspective historique et une approche institutionnelle – attachons nous à ouvrir la boîte noire russe. L’approche institutionnelle développée par Graham Allison est une étude sociétale de la décision, pour qui l’appareil gouvernemental n’est plus considéré comme un ensemble homogène, mais comme un conglomérat d’organisations dont les décideurs sont tributaires dans l’expression de leurs actions. Le point de vue des décideurs dépend  de leur positions dans le système de prise de décision, traversé  par divers facteurs comme le rôle du chef de l’exécutif – ici Vladimir Poutine – le consensus, le compromis ou encore la décision par le bas – c’est à dire le rôle des fonctionnaires  ayant une marge de manoeuvre variable – dans l’application d’une décision (Kuebler, Daniel, De Maillard, Jacques, « Analyser les politiques publiques »).

En Union Soviétique, le pouvoir politique était fragmenté en plusieurs entités administratives rivales. Le Parti communiste de l’Union Soviétique – le PCUS –  combinait officieusement les 3 formes de pouvoir – exécutif, législatif et judiciaire -par l’intermédiaire de son appareil exécutif du Politburo, au détriment du parlement, le  Soviet Suprême. L’histoire a par ailleurs retenu le nom des secrétaires du parti plutôt que les chefs d’Etats constitutionnels. Le Soviet suprême d’Union soviétique, entité législative formelle, installait un président à la tête de l’URSS, créature fantoche au point que son mandat exécutif soit parfois absorbé par le secrétaire du parti. Léonid Brejnev, Iouri Andropov, Mikhaïl Gorbatchev sont les trois secrétaires du parti communiste a avoir exercé conjointement leur fonction partisane avec la fonction de chef d’Etat.

Le romancier illustre Alexandre Soljénysine – contemporain du système carcéral soviétique – a révélé le pouvoir  immense dont étaient affublés les sinistres Organes (Soljenitsyne, Alexandre, « l’Archipel du Goulag »). Les Organes représentaient la police politique, chargée de faire régner la terreur dans l’Union. Ils mutèrent en diverses formes d’organisations extrajudiciaires – la Tchéka à partir de 1917, l’Oguépéou en 1922 – au fameux et craint Commissariat du Peuple à l’Intérieur chargé de la sécurité d’Etat – le sinistre NKVD en 1934 – pour enfin aboutir à la constitution de véritables ministères de la surveillance et de la répression. Ainsi, le ministère du MGB – KGB à partir de 1954 –  incarnent l’accumulation d’un plein pouvoir officieux, exercé aussi bien à l’intérieur du territoire que durant des interventions à l’étranger. Pour vous permettre de vous figurer leur pouvoir, sachez que le KGB aurait été dans sa forme américaine une institution née du cumul de la CIA et du FBI, ayant à ses ordres  l’ensemble des forces exécutives du pays. En Russie, la terminologie définit ces différentes entités comme siloviki – les structure de force en russe- c’est à dire les institutions détenant le pouvoir public (Rakhmanova, Tania, « Au coeur du pouvoir russe»).

Depuis la dissolution du Parti communiste en 1991, la détention du pouvoir de la Fédération de Russie a été soumis à de nouvelles configurations. Suite à la tentative du général d’armée Vladimir Krioutchkov et du KGB de renverser Gorbatchev,  le président Boris Eltsine s’attacha à dissoudre le KGB. Il divisa le ministère en quatre départements rivaux, le FSB fut le département crée le plus influent  (Stratfor, « Russia: The evolution of the FSB »).

Sous le mandat présidentiel d’Elstine, une nouvelle classe dominante émergea, celle des  oligarques. Avec l’entrée du pays dans une économie de marché, un constat fut établit par le gouvernement fraîchement élu: aucun russe n’avait le capital nécessaire pour acheter les entreprises d’Etat, désormais privatisées. En effet, la détention de capital était chose interdite sous le régime soviétique, passible de déportation car antipatriotique. Eltsine vendit pour une bouchée de pain des pans entiers de l’économie russe, à des jeunes loups désireux de se lancer en finance. Par cet habile procédé, le fleuron de l’industrie ne fut pas accaparé par des capitaux étrangers (Tuschi, Cyril, « KHODORKHOVSKI »). C’est ainsi que naquit la nouvelle classe oligarque, la Semibankirchtchina, composée de sept hommes d’affaires, dont les plus connus furent Boris Berezovsky – propriétaire d’Aeroflot et de la chaîne de télévision ORT, chef d’orchestre du monopole de la télécommunication – et Mikhaïl Khodorkovski – propriétaire de la société pétrolière IOUKOS. En rétribution, les oligarques financèrent à millions les campagnes électorales de Eltsine, dont la présidence était sérieusement menacé par le retour en force du parti communiste lors des élections de 1996. Il fut néanmoins réélu, sans doute grâce aux moyens électoraux colossaux mobilisés par son équipe de campagne.

La connivence entre le monde des oligarques et le pouvoir toucha à sa fin lors du mandat présidentiel d’un ancien agent du KGB, Vladimir Poutine. Il accéda au mandat par intérim  suite  au décès de Boris Eltsine en 1999. Officiellement élu dans les urnes en 2000, Poutine mena une guerre sans merci aux oligarques, lorsque ceux-ci devenaient actifs en politique, répression indépendante de leur soutien financier à Poutine. Berezovski et les autres, accusés de fraude fiscale, furent progressivement dépossédés de leurs entreprises respectives par l’appareil judiciaire au sein d’une immense « chasse aux riches » soutenue par les Silioviki. Khodorkovski sera  emprisonné en Sibérie, dans des conditions que la Cour européenne des droits de l’homme jugea en 2011 arbitraires et contraires aux Droits de l’Homme.  En muselant les oligarques et en ne conservant – dans son cercle restreint – que ceux qui juraient  de ne pas contester sa politique – comme Roman Abramovitch, propriétaire de Chelsea Football Club – Poutine a rendu le contrôle de la sphère politique aux Siloviki.

Les services de sécurité et d’investigation – inefficaces depuis leur dissolution en 1991 – furent renforcés par Poutine. Le FSB fut consolidé, financé et modernisé, puis absorba les autres services. Le président en fit la base de son pouvoir, octroyant aux officiers du FSB des postes dans les administrations, dans les entreprises d’Etat et au sein des ministères importants. L’officier Igor Sechin devint Vice-premier ministre du gouvernement et président de GAZPROM. En plaçant des officiers supérieurs du FSB à la tête des hautes administrations gouvernementales et économiques, Vladimir Poutine renforçait son pouvoir. Toute forme d’opposition était neutralisée, tandis que ses décisions recevaient l’aval de ses alliés politiques : « Putin has used former KGB and current FSB members to fill many positions within Russian big business, the Duma and other political posts. Putin’s initial reasoning was that those within the intelligence community thought of Russia the same way he did — as a great state domestically and internationally» (Stratfor, « Russia : The evolution of the FSB »).

Le FSB est toutefois devenu un ministère trop puissant, risquant à son tour de menacer  de destitution le président lui-même. Afin de défendre sa position,  Poutine a divisé le pouvoir du FSB, créant un nouveau ministère, le FSI – Service Fédéral d’Investigation – en automne 2008, chargé des affaires d’investigation intérieures. Poutine attise aujourd’hui les luttes de clans, divisant les entités de gouvernance. Le régime actuel est affublé par la journaliste russe Rakhmanova du sobriquet « démocrature », oxymore composée des mots démocratie et dictature (Rakhmanova, Tania, Ibid.).Ne pouvant pas se représenter pour un troisième mandat consécutif en 2008, Poutine a choisi  Dimitri Medvedev pour lui succéder, homme réputé faible et haï du FSB, avant de lui reprendre légalement la présidence en 2012. _

 2. Poutine et l’Histoire

« Qui contrôle le passé contrôle l’avenir » Vladimir Poutine citant George Orwell.

Christine Ockrent, journaliste et spécialiste des affaires étrangères et fine connaisseuse de Vladimir Poutine, révèle les tendances discursives actuelles du président (Affaires Etrangères, « Poutine et l’Histoire »). Selon elle, le président mobilise devant les médias et les estrades, un discours patriotique de guerre permanente contre “les ennemis” encerclant la Russie. L’événement instrumentalisé aujourd’hui pour attiser le nationalisme russe est la Grande Guerre Patriotique – nom utilisé en Russie pour nommer la Seconde Guerre Mondiale – ayant fait plus de 23 millions de morts soviétiques sur le front et dans les régions de l’est.L’histoire russe attribue le statut de « Guerre Patriotique » aux conflits ayant mobilisé un véritable effort national et une véritable fibre de résistance, comme la Guerre Patriotique de 1612 contre la Pologne et la Guerre Patriotique contre Napoléon.

L’annexion de la Crimée est décrite en Russie  comme une « dette morale » revenant de droit à la Russie, en échange de sa contribution humaine considérable dans le conflit de 39-45. Les discours historiques russes considèrent notamment que la victoire  contre le nazisme est à mettre à l’actif du sang des soviétiques. La rhétorique de la Seconde Guerre Mondiale a – sans étonnement – accentué  la médiatisation de la Guerre en Ukraine. On trouve en Russie aujourd’hui, un discours qui décrédibilise le gouvernement ukrainien pro-européen  issu du Maïdan, le stigmatisant comme étant la «Junte fasciste de Kiev», devant de fait être combattue. L’instrumentalisation de l’histoire vise à d’obtenir des engagements citoyens spontanés, comme l’adhésion de l’opinion à l’intervention en Crimée. Le député de la Douma Yevgeni Federov considère le nationalisme comme une stratégie de défense face à l’impérialisme américain, susceptible d’avoir provoqué par un coup d’Etat les événements du Maïdan en Ukraine : « Any country would try to build its national identity in order to protect itself against the foreign enemy […] It’s obvious that they want to destroy us» (VICE NEWS, « Silencing Dissent in Russia: Putin’s Propaganda Machine »).

Poutine mobilise la mémoire glorieuse de l’histoire russe – construction historique critiquable en raison de son essentialisme – afin de créer un nouveau lien patriotique entre les russes et leur passé. Cette thèse est soulignée par Konstantin Von Eggert (Affaires Etrangères, Ibid.) politologue et ancien éditorialiste du journal russe Izvestia daily, ancien rédacteur en chef du bureau de Moscou à la BBC. Selon lui, la  victoire face au nazisme est perçue par la société civile comme un des seuls moments positifs de l’histoire russe. Elle efface les symboles négatifs du Goulag et de la répression politique durant l’ère soviétique. De plus, construire la menace “fasciste” par un discours représentant la Russie comme une forteresse assiégée permet à Poutine d’exiger des citoyens russes – tout comme lors des Guerres Patriotiques –  une dévotion totale  envers l’Etat, enchaînés par le devoir sacré de la défense nationale. L’annexion de la Crimée a eu une fonction stabilisatrice interneperçue par Poutine comme un événement susceptible de renforcer la cohésion nationale. 

La mythologie nationale russe s’est partiellement forgée à travers les figures de grands héros – protecteurs d’une Russie menacée de destructions – comme celle du général Koutouzov face aux troupes napoléoniennes ou Alexandre Nevski . Cette icône nationale, œuvre du génie d’Eisenstein, appelait en 1938 à l’union nationale face à une attaque teutonique imminente – prémisse de l’invasion allemande de 1939 – dont une citation extraite est révélatrice du discours centré sur l’autodéfense :  « Celui qui viendra en Russie avec l’épée, périra par l’épée ! »(ALEKSANDR NEVSKIY , Sergueï Eisenstein, 1938).  La volonté de défendre la Russie rend légitime les actions menées hors de son territoire, conception voulant que la conquête des pays voisins – création de zones tampons – repousse les Etats menaçant loin de Russie.

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Les commémorations pour le Jour de la Victoire du 9 mai (День Победы) ont donné lieu, pour les 70 Ans (1945 – 2015) d’anniversaire, à une immense parade militaire spectaculaire.

 

3. L’intérêt stratégique historique de la Crimée

D’où remonte l’intérêt de la Russie pour la Crimée ? Trouve-t-on des similarités avec les enjeux stratégiques historiques et contemporains ?

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Ivan Aïvazovski « Parade of the Black Sea Fleet », 1886. Parade navale de la flotte russe de la mer Noire en 1849, sous les yeux du tsar Nicolas Ier, accompagné de son fils ainé, le tsarévitch Alexandre, l’amiral Lazarev et les vice-amiraux Kornilov et Nakhimov.

La Russie et les Etats européens se trouvèrent en condition de rivalité, voir même de confrontation, lors de la phase des grands mouvements impérialistes et nationalistes qui caractérisèrent la deuxième moitié du 19ème siècle. Nous ne prétendons pas que cette phase d’opposition ait été amorcé à cette époque: la division nette entre l’Europe occidentale et orientale – sur fond de tensions religieuses – remonte à la date symbolique du Grand Schisme de 1504, rupture culturelle entre ce qui deviendra la société slave et orthodoxe, et le monde occidental des Etats de confession catholique (Putzger,« Historischer Atlas, Zur Welt- und Schweizer Geschichte »).

Notre regard se limite à la phase impérialiste pour deux raisons. Premièrement, c’est durant cette période que les unités politiques construites autour du nationalisme – les Etats-nations – achevèrent leur construction, tout en entrant  en interaction les unes avec les autres sous cette identité nouvelle (Elias, Norbert, « La Sociogenèse de l’Etat – La loi du monopole »). Parler d’expansionnisme russe est confondu par les deux sens que le terme comporte. S’agit-il du russe en tant qu’ethnie et culture, impliquant la prise en compte systématique des actions expansionnistes des diverses républiques et principautés russes médiévales, ou bien du russe comme action de l’Etat-nation de Russie ? Notre regard se cadrera autour du deuxième aspect. Deuxièmement, la phase impérialiste est un excellent indicateur pour percevoir le rôle géopolitique de la Crimée, véritable pion dans le réseau stratégique de la Russie.

3.1. Hégémonie maritime

A présent, explicitons les stratégies et fondements de l’expansionnisme russe impérial. Cette doctrine, dirigée par les différents Tsars de la maison Romanov, aspirait essentiellement à un accès naval aux mers chaudes. Le contrôle des routes maritimes était primordial pour tout empire prétendant à l’hégémonie de la gouvernance mondiale, in fine, au rôle de superpuissance. Cette lutte fut remportée par le British Empire durant le 19ème siècle – en dépit des ambitions tsaristes – souverain du monde car monarque des océans (Putzger : Ibid.).

L’empire russe ne réussit pas à devenir l’hégémon mondial, car assujetti à une contrainte géographique prépondérante : son exclusion géographique des routes maritimes majeures. Seule la ville de Sébastopol en Crimée, mouillant en mer Noire, pouvait permettre à la Russie d’étendre sa suprématie maritime en Méditerranée. La position de la péninsule attribuait ainsi au port une importance vitale pour  l’édification d’un empire.

Hormis Sébastopol, la Russie possédait d’autres ports isolés. Le port de Saint-Pétersbourg débouchait sur la Baltique, mer pouvant être aisément verrouillée dans le détroit de l’Øresund par une flotte conséquente. A l’autre extrême, Vladivostok dominait le nord la mer du Japon. Cette base, également isolée, fut attaquée par un Japon expansionniste et ennemi des intérêts russes. Leur rivalité fut parachevée par une victoire – humiliante aux yeux des Russes –  des Japonais, en 1905 (Minassian Taline Ter, « les avatars du « grand dessein » Russe. »).

Les 6 ports militaires contemporains majeurs de la Marine russe, décomposée en 4 flottes : Mer Noire, Pacifique, Baltique et Mer du Nord (Stratford). Les différentes interventions militaires russes de cette époque sont essentiellement liées à un objectif : édifier une puissante marine qui servirait de base à l’extension de l’empire.

La Crimée, dès son accaparement par la Tsarine Catherine II au 18ème, devint la principale base navale russe des mers chaudes, fief de la puissante Flotte de la Mer Noire (Stratfor : The Strategic Importance of Crimea). Le contrôle de la Mer Noire ne sert néanmoins pas à grand chose sans le contrôle du détroit des Dardanelles, dont la fermeture isole la flotte de la Méditerranée. Quoi de plus logique que Constantinople – l’actuelle Istanbul turque – située aux portes de ce passage, n’excite la convoitise expansionniste russe ?

Aujourd’hui encore, la Russie aspire à une extension de sa flotte militaire. Elle mobilise les maigres ressources financières restant au pouvoir, qui ambitionne de relancer son économie par l’exportation de navires de guerre.

3.2. Constantinople, étape glorieuse pour devenir une superpuissance

Entre 1853-1856, la Crimée dût supporter le poids de sa valeur stratégique durant le conflit qui porte son nom. La Guerre de Crimée découle des buts de guerre du Tsar Nicolas Ier de s’approprier Constantinople et le détroit de Dardanelles, sous emprise turque depuis 1454. L’expansion russe vers le sud ambitionnait d’assurer un accès indéfectible à la Méditerranée.

L’alliance des Britanniques et des Français, qui se joignirent à l’empire Ottoman pour défaire les troupes tsaristes, cristallisait leur désir de confiner au nord l’avancée de l’empire de Russie, afin d’éviter leur concurrence navale en Méditerranée. La coalition battit campagne en Crimée et s’empara de Sébastopol, ce qui d’affaiblit durablement les prétentions territoriales russes. Le traité de Paris officialisa le désarmement de la Mer Noire ; la Russie fut interdite d’y posséder une flotte. La muselière contractuelle attachée aux crocs du Tsar ne l’empêcha pas de récidiver en 1877, lorsque ses troupes essayèrent à nouveau de capturer Constantinople (Schläpfer Rudolf, Boesch Joseph, « Weltgeschichte »). Cette succession d’échecs s’inscrit dans l’impossibilité russe de devenir une superpuissance, la neutralisation par les puissances continentales et les détroits agissant comme une épée de Damoclès au dessus de leur prétention hégémonique.

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Ivan Aïvazovski, « View of Constantinople and the Bosphorus », 1856.

Constantinople obsédait – en plus des généraux tsaristes – les milieux culturels russes. La métropole fut peinte et chantée, décriée comme la porte sublime et glorieuse par laquelle franchirait le peuple russe le seuil vers la gloire mondiale. Dostoïevski qualifiait la conquête de la ville comme un rôle sacré, illustrant à merveille la connotation religieuse messianique entourant l’expansionnisme ; la foi orthodoxe complétant l’idéologie nationaliste. L’aigle à deux têtes des héraldiques tsaristes, similaire à celui de l’empire byzantin, dont les tsars se revendiquaient être les légitimes successeurs, symbolisait le désir mystique de réunifier le bastion antique de l’orthodoxie avec ses héritiers slaves. L’origine historique et religieuse prestigieuse de la Russie orthodoxe servait un nationalisme en construction, ainsi qu’une solide revendication territoriale en Orient.

« II faut que la Corne d’Or et Constantinople soient nôtres … car non seulement c’est un port illustre qui maîtrise les détroits, ” centre de l’Univers “, ” Arche de la Terre “, mais car la Russie, ce formidable géant, doit enfin s’évader de sa chambre close où il a grandi au point que sa tête en vient à heurter le plafond, pour remplir ses poumons de l’air libre des mers et des océans … Notre mission va beaucoup plus loin, plus profond. Nous autres, Russes, sommes vraiment indispensables à toute la chrétienté orientale et à l’avenir de l’orthodoxie sur terre jusqu’à ce que son unité s’accomplisse. Nos peuples et nos Tsars l’ont toujours su … Bref, cette obsédante question d’Orient est notre destinée future. C’est certes là que réside notre principal souci mais surtout la seule chance de parfaire notre histoire, c’est là que demeure certes notre conflit avec l’Europe mais surtout notre alliance suprême avec celle-ci sur des bases neuves et fécondes. L’Europe pourra-t-elle alors s’opposer à ce dessein vital et sacré ? Dès lors, peu importe l’issue de cette guerre. En Europe, on va sans doute négocier, signer des accords diplomatiques, mais tôt ou tard, Constantinople sera nôtre même s’il nous faut encore attendre cent ans » (Dostoïevski, 1877).

Des accords secrets, signés avec la Grande-Bretagne, devaient somme toute octroyer à la Russie tsariste ce qu’elle espérait depuis tant : Constantinople, et un rôle clé influant dans le Proche-Orient. Les Britanniques – dans une logique d’équilibrage des puissances européennes – jugeaient plus opportun de renforcer la Russie et obtenir son ralliement à la Triple Entente, que de laisser l’Empire Ottoman – allié de l’Allemagne – contrôler cet accès stratégique. Pourtant, les insurrections populaires qui précipitèrent la chute des Romanov en février 1917 et l’avènement du mouvement bolchévique à la tête du pouvoir, enterrèrent provisoirement le vieux rêve tsariste. Le traité anglo-russe fut publié, découvert par la population et qualifié par Lénine de machination impérialiste.

La question des détroits demeura une récurrence dans la politique extérieure menée par les divers régimes ayant dirigé la Russie, l’URSS elle-même s’en préoccupant durant la Guerre Froide (Minassian Taline Ter, Ibid.). Ceci  nous amène à considérer la Crimée comme objet inscrit dans un mythe national glorieux, qui dépasse les simples prétentions stratégiques régionales. Son rattachement à la Fédération de Russie en 2014 est empreint de symbolisme: ainsi ressurgit la quête messianique de bâtir un monde panslaviste, union à la fois de toute l’orthodoxie et de tous les russophones. La péninsule appartient à une conscience collective, celle de la formidable destinée de tout un peuple en quête de lumière. L’événement, qu’une perspective restreinte qualifierait de tensions régionales entre deux pays voisins, est ancré en réalité dans un long récit romantique d’un passé humain aspirant à une forme d’universalisme. Parler des relations entre la Russie et la Crimée, c’est faire allusion à un projet mondial.

4. Le FSB et la stratégie planifiée d’intervention étrangère

De nombreuses thèses tendent à infirmer que le processus décisionnel russe est fortement contrôlé par Vladimir Poutine, comme vu dans un chapitre précédent. Même soumise au président, la politique extérieur ne saurait ni se réduire à son seul jugement, ni à sa seule rationalité. Ce chapitre ambitionne de se distancer d’une analyse répandue dans la société occidentale, celle de l’absence de raison et le manque de réflexivité de Vladimir Poutine : « Parfois, ses décisions paraissent chargées d’une forte dimension émotionnelle, sans analyse suffisante de leurs conséquences éventuelles » (Malachenko, Alexeï, « Le pari syrien de Moscou »). Nous ne possédons pas les clés analytiques pour trancher sur le rôle de Poutine dans la décision d’intervenir en Crimée. S’agit-il d’une décision délibérée au sein d’un collège d’officiers et ministres ou bien d’un simple décret présidentiel, au sein duquel les proches du président auraient eu une influence ? Indépendamment de cette réflexion, ce chapitre s’attachera à démontrer le caractère stratégique de l’intervention. Réinscrivons le rattachement de la Crimée dans une vision de la politique étrangère russe plus intentionnelle que simplement réactive, afin de démythifier la prétendue singularité de l’événement.

L’intervention ne constitue pas une action purement expansionniste et de la Fédération de Russie ; le FSB a établi une méthode d’intervention spécifique, orientée vers les anciennes républiques socialistes. Mais quand intervenir et pourquoi ? Selon une approche comparative, nous allons synthétiquement analyser les interventions des servies secrets en Moldavie, dans les Etats baltes, en Géorgie et en Crimée.

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Le Président Vladimir Poutine et le chef du FSB Nikolai Patryushev

4.1. Maintenir les républiques socialistes dans le giron russe

La politique extérieure est – depuis la fin de l’URSS – intégrée dans les compétences du FSB. Le service a acquis récemment – par l’entremise de l’ancien général du KGB et actuel président Vladimir Poutine – des pouvoirs étendus sur les autres grands ministères et départements de force,  ainsi que des compétences étendues en matière de lutte anti-terroriste, octroyant au département une immunité insolente et un champ d‘action extraordinaire. Le département du FSB a élaboré une méthode d’action systématique, quant aux modes d’intervention dans les anciennes républiques qui se détourneraient du giron d’influence russe (Rakhmanova, Tania, Ibid.).

La première étape consiste à mobiliser les individus russophiles autochtones en forces politiques et sociales, chargées de fomenter la déstabilisation interne. Ceci est chose relativement aisée, étant donné que la population russe vivant hors du pays est extrêmement nombreuse – 20 millions de russes vivent aujourd’hui dans les anciennes républiques socialistes – population de surcroît mécontente car contrainte au statut de minorité apolitique. En effet, les Etats baltes ont adopté des législations, réservant le droit à la citoyenneté aux individus maîtrisant la langue nationale : 100’000 russes d’Estonie et 400’000 de Lettonie sont aujourd’hui de facto apatrides (Billette, Alexandre, « La Russie, de A à Z »).

La deuxième étape consiste à déployer secrètement des forces spéciales de soutien du FSB sur le territoire, apportant un soutien logistique et des armements aux premiers groupes. En troisième lieu – si le basculement vers l’occident semble inéluctable – le FSB procède au déploiement de troupes régulières du Ministère de la défense (Stratfor, « Russia: The FSB’s Role in the Russo-Georgian War »). La méthode, initialement élaborée pour prendre le contrôle des républiques socialistes ayant fait sécession de l’Union soviétique en déclin, s’est progressivement appliquée à des pays indépendants et reconnus par la Communauté Internationale.

Les tentatives de reconstitution de la sphère d’influence soviétique ne rencontrent toutefois pas uniquement des résistances.  Le Kirghizistan et la Biélorussie sont des pays formellement indépendants, mais politiquement et économiquement fidèles, alignés à la Russie, sans avoir eu à subir d’interventions militaires de leur part. (Stratfor, « Putting Russia’s Crimean Intervention in Context »).

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Un groupe de Spetsnaz du FSB prend possession de la base aériene de Belbek. Le contrôle ukrainien antérieur sera transféré à l’administration de la République de Crimée.

   4.1.1. La Moldavie en 1989

Les réformes économiques Glasnost et Perestroïka – appliquées lors du mandat du secrétaire du parti communiste Gorbatchev – attisèrent en Moldavie en 1989 un regain nationaliste. Le mouvement exigeait un processus d’autonomisation, ainsi que l’officialisation de la langue moldave (« Le Monde au Présent, 2. Les Pays»).

Le territoire moldave en faveur de l’autonomie, subit une sécession politique et géographique nette avec la Transnistrie, province du nord séparée par le fleuve Prout. La région, peuplée essentiellement de slaves russophiles, souhaitait –  à l’inverse de la Moldavie – son maintien dans l’Union soviétique. La République moldave s’opposa à ce contre-pouvoir appuyé et armé par Moscou, cristallisé par le mouvement Yedinstvo.

Depuis cet épisode, la Transnistrie – dont l’indépendance est uniquement reconnue par la Russie – pourrait servir de tête de pont offensif dissuasif en cas de tentative de rattachement à l’Europe de la Moldavie. Le pays – menacé par l’envoi des troupes régulières soviétiques en Moldavie – conserva et consolida néanmoins son indépendance. Les stratèges de Stratfor considèrent – par réserve – qu’une intervention en Moldavie est moins probable qu’en Crimée. L’armée russe serait handicapée par des problèmes logistiques qui l’empêcheraient d’être efficace dans la région, conséquence du « tampon » exercé par l’Ukraine – fermeture de l’espace aérien – qui est désormais hostile au Kremlin. La Moldavie ne pourrait être dissuadée de rejoindre l’UE que par l’usage d’instruments économiques – des blocus ou des embargos – et par la menace grandissante d’une Transnistrie désormais supérieure militairement (Strafor, « Putting Russia’s Crimean Intervention in Context »).

   4.1.2. La Lituanie entre 1990-1991

La Lituanie proclama en 1990 son indépendance grâce aux victoires d’un mouvement réformateur né en 1989, les Sajudis. Le pays devient la première république socialiste à s’émanciper unilatéralement de l’URSS (« Le Monde au Présent, 2. Les Pays »). Les Etats baltes se soulevèrent progressivement.

Suivant leur processus établi minutieusement, les soviétiques débutèrent le processus de reconquête des Etats baltes en imposant un blocus économique à l’Etat lituanien, puis en organisant de massives manifestations publiques – une majorité des manifestants était en réalité composée de soldats russes camouflés – et des actions de résistance du groupe prorusse Yedinstvo, fraîchement crée. Des troupes paramilitaires russes furent ensuite déployées, et occupèrent des bâtiments officiels à Vilnius, mais aussi à Riga où l’indépendantisme triomphait,  avant que des troupes régulières ne soient déployés pour combattre les sécessionnistes baltes.

Néanmoins, l’URSS en asphyxie  sera incapable de maintenir sa pression militaire sur la région, forcée de reconnaître les indépendances lituanienne, estonienne et lettonne en 1991 (Stratfor, « Putting Russia’s Crimean Intervention in Context »). La Lituanie, suite à une acceptation électorale écrasante – 90 % – adhéra à l’Union Européenne en 2004, simultanément à ses sœurs lettones et estoniennes.

Actuellement, les Etats baltes sont membres de l’OTAN et abritent des bases clés de l’alliance atlantique, ce qui leur offre des garanties sécuritaires (Stratfor, « NATO Increases Baltic Air Cover »).

 _4.1.3. La Géorgie en 1991 et en 2008

La Géorgie est un enjeu historique primordial pour la Russie, puisqu’elle lui offre un accès aux oléoducs du Caucase et sécurise les républiques caucasiennes. Le Caucase est  une zone instable – par la présence d’une forte communauté musulmane – théâtre d’une lutte entre l’Etat russe désireux de « pacifier » et la région devenue un brasier indépendantiste. En Tchétchénie, une branche plus fondamentaliste du mouvement adopta un mode opératoire terroriste, dont le fait d’arme le plus sanglant fut la prise d’otages du Beslan en 2004 – lors de la deuxième Guerre de Tchétchénie – durant laquelle une école fut prise d’assaut.

L’Etat géorgien – qui obtint son indépendance en 1991 – fut la victime de fortes tensions internes, alimentées par la Russie. La Géorgie – à majorité chrétienne – nourrissait avec les Républiques d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie – des provinces à majorité musulmane qu’elle revendique – des rivalités qui augmentèrent sitôt l’indépendance géorgienne statuée. Une Géorgie renforcée menaçait en effet les prétentions d’autonomie des deux Républiques, qu’elle entendait administrer comme des territoires nationaux  (« Le Monde au Présent, 2. Les Pays »). Lorsque l’Abkhazie déclara  unilatéralement son indépendance en 1992, le pays fut envahi par l’armée géorgienne, mais progressivement repoussée grâce à l’aide de forces paramilitaires russes. Le FSB fournit – entre autres – un soutien stratégique précieux aux unités de résistance abkhazes.

La Géorgie est aujourd’hui considérée comme ennemie de la Fédération de Russie, conséquence des aspirations géorgiennes de bâtir un bastion occidental en son sein. Ce faisant, elle renforce l’idée – mobilisée par Poutine avec vigueur dans ses discours – que la Russie est encerclée par des pays philo-occidentaux.

En réponse à sa tentative de rejoindre l’OTAN en 2008, l’Etat géorgien est envahi par les forces russes régulières (Stratfor, « Russia: The FSB’s Role in the Russo-Georgian War »). Le FSB, maître de l’intervention, distribua des passeports russes aux habitants ossètes et abkhazes, afin de disposer d’un prétexte pour agir en Géorgie, au nom de la protection de ses “citoyens“ menacés (Rakhmanova, Tania, Ibid.). Cerise sur le gâteau, la Fédération russe reconnut – simultanément à l’invasion – l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie, avant d’y établir des bases militaires permanentes, véritable humiliation pour la Géorgie.

L’Etat géorgien subsiste aujourd’hui dans la crainte d’une nouvelle invasion, menacé par l’établissement de contingents de soldats venus de Moscou dans les deux républiques. La Géorgie, ayant dû renoncer à adhérer à l’OTAN, a noué des accords militaires avec la Turquie et l’Azerbaïdjan, forme intéressante d’une coopération militaire internationale aspirant à contrebalancer l’influence russe (Stratfor, «Putting Russia’s Crimean Intervention in Context »).

 _4.1.4. La Crimée en 2014

La Crimée apparaît avoir subi une intervention similaire de la part des services secrets russes. Aux manifestations prorusses se sont succédées des  appuis stratégiques et logistiques de Spetsnaz – Régiment Russe d’Opérations Spéciales – du FSB, puis des interventions directes de l’armée régulière. La péninsule a subi une intervention quasi identique à celle des anciennes républiques socialistes.

Malgré la forte proportion de population considérée comme ethniquement russe, la Fédération a pourvu les citoyens de Crimée de multitudes de passeports russes – véritable OPA sur la citoyenneté de la région – et muselé à travers une féroce répression la minorité musulmane tatare (Stratfor, «Putting Russia’s Crimean Intervention in Context »).

En revanche, l’enjeu criméen diffère sensiblement des conflits précédents. Selon Artem Malguine, vice-recteur de l’Institut d’État des relations internationales de Moscou (CONFÉRENCE GENEVA GLOBAL, «  Russie-Europe: comment sortir de la crise? »), le rapprochement de l’Ukraine à l’Europe – Accord d’association de 2014 – ne peut être considéré comme le seul facteur de l’intervention. Les accords d’association concernent une coopération économique non synonyme d’intégration européenne: la Turquie a signé ces mêmes accords sans jamais pouvoir être intégrée à l’UE. La crise de Crimée pourrait alors aussi être analysée comme découlant de la nature systémique des institutions internationales, car l’intervention révèle les difficultés pour l’OSCE – Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe – d’imposer un cadre légal contraignant et efficace, mutuellement accepté par les Etats européens, en matière de sécurité globale.

Selon une opinion qui n’engage que moi, l’enjeu de la Crimée est traversé de deux dialectiques intimement liées : le renforcement de la popularité de Vladimir Poutine par l’embrasement du sentiment national d’une part, et la position éminemment stratégique de la péninsule pour la flotte de la Mer Noire de l’autre. En intervenant en faveur des minorités russes du Donbass et de Crimée, Poutine s’édifie – aux yeux des russes – en protecteur face aux « fascistes de la junte de Kiev », renforçant ainsi son pouvoir interne, sa popularité et sa crédibilité. La chaîne de télévision nationale Rossiya 1 publiait un sondage après l’annexion de la Crimée : la popularité globale de Poutine avait grimpé de 60,6% à 80,9%. Ne prêtant pas une foi aveugle à l’authenticité de ses chiffres, il faut néanmoins considérer l’impact et leur réception auprès des foyers russes. Ces derniers prirent conscience de la puissance russe, enfin retrouvée, tant louée par les discours du Kremlin.

Le pays apparaît désormais comme pleinement capable de se projeter à l’étranger sans que les Etats occidentaux n’arrivent à freiner le glorieux projet – conséquence de la paralysie de l’institution onusienne – perçu comme un dédommagement face au monde. L’annexion de Crimée donne corps au discours patriotique de Poutine, étape choisie pour forger le nouvel homme russe selon Christine Ockrent (Affaires Etrangères, « Poutine et l’Histoire »).

Le facteur stratégique ne doit pas non plus être minimisé, puisque la Russie est en lutte pour ses bases navales de manière complémentaire à la rhétorique nationaliste. Sébastopol  n’est pas le seul port que le FSB tente de préserver. La flotte russe dispose depuis 1956 de la base navale syrienne de Tartous, seul accès dont elle dispose dans une mer chaude. La Russie s’est engagée dans le conflit en Syrie en 2015, menant diverses attaques sur des bases de l’Organisation de l’Etat Islamique – OEI – mais surtout contre des troupes de l’armée syrienne libre, faction en guerre face au président de la minorité alaouite Bachar Al Assad et garant d’une bonne entente avec Poutine. Les opposants au régime syrien, en dilatant le front jusqu’aux confins de la base russe,  posèrent un véritable défi sécuritaire à la Russie, dont la réponse fut le déploiement d’ avions de combat Soukhoï Su-34 dans la région (Malachenko, Alexeï, « Le pari syrien de Moscou », Le Monde diplomatique, novembre 2015).

La Russie de Poutine oeuvre diplomatiquement et militairement en faveur d’un monde multipolaire, un monde dans lequel ce pays au passé illustre pourrait redevenir la superpuissance.

Adrian Gasser

SOURCES

Ouvrages

– Brun, Elodie, « Les relations entre l’Amérique du Sud et le Moyen-Orient. Un exemple de relance Sud-Sud », Paris : L’Harmattan, 2008.

– Billette, Alexandre, « La Russie, de A à Z », Paris : Editeur André Versailles, 2012.

– Elias, Norbert, « La Sociogenèse de l’Etat – La loi du monopole » in La Dynamique de l’occident, Paris : Calmann-Lévy (Press Pocket/ Agora), 1990 (1975), pp. 25-41

– Kuebler, Daniel, De Maillard, Jacques, « Analyser les politiques publiques », Grenoble : Presses universitaires de Grenoble (PUG), 2009.

– Macleod, Alex, Dufault, Evelyne, « Relations Internationales. Théories et concepts », Outremont: Athéna, 2008.

– Nye, Joseph, « The paradox of American Power », Oxford : University Press, 2002.

– Rakhmanova, Tania “Au coeur du pouvoir russe“, Paris : La découverte, 2014.

– Soljénitsyne, Alexandre, (trad. du russe par Geneviève Johannet), « L’Archipel du Goulag 1918-1956 : essai d’investigation littéraire [« Архипелаг гулаг »] »,  Paris : Fayard,‎ 2011 (1re éd. 1973)

– Waltz, Kenneth, « Theory of International Politics », New York : Random House, 1979.

Atlas

– « Le Monde au Présent, 2. Les Pays », Paris : Encyclopaedia universalis ,1994.

– Schläpfer Rudolf, Boesch Joseph, « Weltgeschichte 2, Von der Aufklärung bis zur Gegenwart », Zurich: Orell Füssli Verlag, 2012.

– Putzger, Friedrich Wilhelm, « Historischer Atlas, Zur Welt- und Schweizer Geschichte », Aarau: Verlag Sauerländer, 1969.

Articles

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– Deney, Nicole, « Les États-Unis et le financement du barrage d’Assouan », In : Revue française de science politique, 1962.

– Deroeux, Iris, « Déprime à l’ONU », Mediapart, 2014.

– Le Monde, « Vladimir Poutine reconnaît la souveraineté de la Crimée »,  lemonde.fr, 17 mars 2014.

– Le Monde, « L’intégration de la Crimée à la Russie est en marche », lemonde.fr, 17 mars 2014.

– Malachenko, Alexeï, « Le pari syrien de Moscou », Le Monde diplomatique, novembre 2015.

– Minassian, Taline Ter, « les avatars du « grand dessein » Russe. », In: Vingtième Siècle. Revue d’histoire. N°32, octobre-décembre, 1991.

– Sablier, Edouard, « La tension en Proche-Orient et la Politique des grandes puissances », politique étrangère, Institut Français des Relations Internationales, 21e Année, No. 1,p. 21-30, février, 1956.

– Stratfor, « Putting Russia’s Crimean Intervention in Context », 12.03.14.

– Stratfor, « Russia: Using Crimea as Leverage in Ukraine », 25.02.14.

– Stratfor, « NATO Increases Baltic Air Cover », 08.04.14.

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– Stratfor, « Russia Has Few Options for Turning Its Economy Around », 05.02.16.

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– VICE NEWS, « Silencing Dissent in Russia: Putin’s Propaganda Machine », https://www.youtube.com/watch?v=0-AmXt8u9LE, visioné le 08.02.2016.

Webographie

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Images

– Page de Garde : L’annexion de la Crimée isole la Russie, http://www.tdg.ch/monde/europe/L-annexion-de-la-Crimee-isole-la-Russie/25568716/print.html, 22.12.2014.

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– Les commémorations pour le Jour de la Victoire du 9 mai : ВИДЕО: Парад Победы в Москве 2015 (полная версия)

– Источник, http://stuki-druki.com/facts/VIDEO_Parad_Pobedi_v_Moskve_2015.php, 09.03.2015.

– Aïvazovski, Ivan, « Parade of the Black Sea Fleet », huile sur toile, Central Naval Museum of Russia in Saint Petersburg : 1886.

– Les 6 ports militaires contemporains majeurs de la Marine russe : Russia’s Navy Has a Funding Problem | Stratfor, https://www.stratfor.com/image/russias-navy-has-funding-problem, 2016.

– Aïvazovski, Ivan, « View of Constantinople and the Bosphorus», huile sur toile, property of a gentleman : 1856.

– Le Président Vladimir Poutine et le chef du FSB Nikolai Patryushev : Russia: The Evolution of the FSB, https://www.stratfor.com/analysis/russia-evolution-fsb, 11.08.2015.

– Un groupe de Spetsnaz du FSB prend possession de la base aériene de Belbek : FSB spetsnaz on the grounds of an air base at Belbek,  https://www.reddit.com/r/MilitaryPorn/comments/213dn8/fsb_spetsnaz_on_the_grounds_of_an_air_base_at/, 2014.

Evénements

– 04. 2015 : CONFÉRENCE GENEVA GLOBAL, «  Russie-Europe: comment sortir de la crise? »

Intervenants : Artem Malguine, vice-recteur du MGIMO ; Georges Nivat, professeur honoraire de l’UNIGE ; Alexei Gromyko, directeur de l’Institut de l’Europe de l’Académie russe des sciences ; André Filler, Maître de conférences, Directeur du département d’études slaves, Université Paris VIII-Saint-Denis ; Tatiana Kastouéva-Jean, responsable du Centre Russie-Nouveaux Etats indépendants, Ifri

 

À propos de Adrian Gasser

Auteur et correcteur du Département Publications et Médias de COSPOL- Comité Science Politique, anciennement responsable dudit département (2015-2016) Etudiant en troisième année de bachelor en Science Politique à l'Université de Lausanne.

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